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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/333

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ŒUVRES DE FONTANES.


 Ici l’utile est tout, ici rien n’est perdu,
Et la terre aux besoins a partout répondu.
De saison en saison elle enrichit son maître,
Et lorsqu’il est assis à sa table champêtre,
Il dit : Voilà des mets que je n’ai point pavés.
Ses yeux d’un vert charmant sont toujours égayés.
A-t-il quelque douleur ? non loin croît le remède.
Rarement il appelle Hippocrate à son aide,
Et trouve en un travail chaque jour répété
Le plaisir, l’abondance, et surtout la santé.
Tels sont les biens réels, et la source en est pure.

 Mais l’orgueilleux Mondor, enrichi par l’usure,
Jette sur mon enclos un coup-d’œil de mépris.
Longtemps ses gains honteux ont indigné Paris ;
Tout-à-coup philosophe, il a quitté la ville :
« C’est aux champs, a-t-il dit, que le sage est tranquille.
« Fortune, c’est assez ! je veux pour tout trésor
« La médiocrité plus riche que ton or.
« Du monde et de Paris j’ai trop vu les scandales ;
« Artiste, entoure-moi de scènes pastorales ;
« J’arrange un parc anglais : viens, et prends ton pinceau
« Ici, place un désert, et là, creuse un ruisseau.
« Ce sol est trop uni : qu’il s’élève en collines.
« J’ai besoin de rêver : construis-moi des ruines,
« Un temple, un ancien fort, dont les restes épars
« Sur de grands souvenirs attachent mes regards.
« Suis toujours la nature, et que l’art disparaisse. »