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Page:Froissart - Méliador, tome 3.djvu/369

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RÉPONSE

d’ailleurs, Froissart ne déclare-t-il point expressément que c’est « a la requeste et contemplation » du duc de Luxembourg et de Brabant qu’il composa ce roman, non encore terminé en 1383 ? À cela je réponds que, si j’ai interprété les paroles du chroniqueur dans le sens que l’on sait, j’y ai été amené par la force des choses, c’est-à-dire par l’indéniable allusion à Meliador contenue en un poème du même Froissart, le Paradis d’amour, que M. Kittredge lui-même, contrairement à l’opinion communément admise en Angleterre, reconnaît avoir été écrit en 1369 au plus tard[1]. J’ajouterai que, dans mon sentiment, l’insertion de l’œuvre poétique tout entière de Wenceslas dans le Meliador nécessitait un remaniement général qui faisait en quelque sorte de ce roman une œuvre nouvelle. Jamais, au reste, l’idée ne me serait venue qu’un grand seigneur du xive siècle pût éprouver quelque scrupule à accepter le patronage d’une édition revue et considérablement remaniée d’un ouvrage déjà connu, et j’ai le plaisir de constater que mon regretté confrère et ami Siméon Luce pensait comme moi à cet égard[2].

D’autre part, M. Kittredge entreprend de montrer qu’il a été matériellement impossible à Froissart de composer le Meliador entre 1365 et 1369 ; il donne, à cet

  1. Cette date, qui résulte en partie de l’extrait du Joli buisson de jonece cité plus loin, permet à M. Kittredge de résoudre le petit problème que soulève la ressemblance du début du Livre de la duchesse écrit par Chaucer après la mort de la duchesse de Lancastre en 1369 et le commencement du Paradis d’Amour. C’est le poète anglais et non Froissart qui est l’imitateur.
  2. Parlant de la seconde rédaction du livre Ier de ses Chroniques, Siméon Luce s’exprime ainsi au tome Ier de son édition, p. lii : « Si l’auteur ne l’a pas fait précéder d’une dédicace comme il en avait mis une dans le prologue de la première, ne serait-ce point parce qu’il lui répugnait de manifester une préférence entre deux puissants protecteurs (le duc Wenceslas et Guy de Blois) dont il avait également à se louer et qui avaient prodigué l’un et l’autre à son œuvre leurs encouragements ? »