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Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/176

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POÉSIES

Mès trop seroit pour moi crueuls et fors
S’un doulc penser, qui est tous mes confors,
De moi aidier ne faisoit son devoir ;
Dont je l’en doi assés bon gré sçavoir.
Dont il n’est biens, dame, qui tant me vaille
Que de penser à vous tousjours, sans faille.
Ce doulc penser qui m’est de grant proufit,
Un jour entier mie ne me souffist ;
À toute heure reeommencier le voeil,
Pour le plaisant délit que je recoeil ;
Car quant je pense à vostre grant beauté,
Dont nature a mis en vous tel plenté
Qu’on en poroit les aultres embellir,
Nuls ne me poet en doulc penser tollir ;
Ains prent en moi ordenance si vraie
Que nuit et jour, sans point cesser, l’assaie,
Et si ne fait en moi ensi q’un tour ;
Mès tant en plaist l’ordenance et l’atour
Que, par souhet, je he poroie avoir
Bien qui vausist celi, au dire voir.
Avec tout ce, ma dame, je sçai bien,
Se n’estoit Pour-véance, sans moyen,
Qui mon penser reconforte et conseille,
Quand desirs de mouvoir fort s’appareille,
Trop auroïe de mauls à endurer,
Ne je ne m’o-seroie aventurer
De poursievir emprise si hautainne
Que j’ai emprise c’est bien chose certainne.
Et pour ce m’est grandement nécessaire
Pourvéance, sans moyen ; à quoi faire