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Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/219

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DE JEAN FROISSART.

Lors levai un petit la face
Et di : « Ma dame, à Dieu or place
» Que servise vous puisse faire
» Qui me vaille et me puist par faire,
» Car j’en auroïe grant mestier
» Pour ma jonece en bien haucier.
» Mès dittes moi, ains qu’en alliés,
» Puis que tel grasce me bailliés,
» Quel tompore m’arés en garde. »
Et Venus adont me regarde
Et me dit : « Dix ans tous entiers
» Seras mon droit servant rentiers ;
» Et en après, sans penser visce,
» Tout ton vivant en mon servisce. »
— « Dame, di-je, or me laist Diex faire
» En coer, en foy et en afaire,
» Chose qui vous soit agréable
» Et à mon jouvent bien véable ;
» Car je ne quier, ne voeil aler
» Contre vous ne vostre parler.
» Tant en vault la doulce ordenance
» Que grant joie en mon coer avance. »
Là ne repondi point Venus.
De moi parti ; ne le vi plus.
Sous l’aube espine remès seuls,
Pensans en coer et moult viseus
Qu’il me pooit estre avenu.
Mès il m’a trop bien souvenu
De la très grant beauté de lui,
Dont tout le corps m’en abelli ;