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Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/280

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tistique, bien élevée, heureuse, riche et parfumée, l’Europe comme on la rêve alors qu’on en est séparé par le diamètre de la terre.

Et ceci est un fait à constater, car il n’offre point d’exception, ou du moins je ne lui en connais aucune. Nous quittons notre pays parce que la vie nous y semble trop régulière, trop compassée ; nous le quittons, affligés que nous sommes des grandes petites choses dont on cherche à occuper notre oisiveté et notre paresse. Terres, châteaux, palais, spectacles de toutes sortes, monuments immortels d’une gloire immortelle, tout nous déplaît, tout nous assoupit, tout nous écrase. Nous quittons cette Europe pour ainsi dire tirée au cordeau, et à peine sommes-nous poussés sur un sol abrité par une nouvelle végétation, chauffé par un autre soleil, baigné par d’autres flots, que nous cherchons, fous d’une singulière espèce, à nous rebâtir le monde dédaigné que nous venons de fuir.

Le souper fut délicat, sans faste, sans prodigalité, ordonné avec un goût exquis et assaisonné par une conversation toute cordiale et pleine de saillies. Après le souper, il y eut jeux et concerts, et l’on se retira fort tard dans des chambres élégantes, toutes exposées à la brise du Nord, sous des galeries spacieuses où l’air n’est jamais captif.

Le lendemain, chacun était debout de bonne heure ; et le soleil avait à peine montré son disque resplendissant, que les allées des jardins qui cerclent la belle habitation du colonel