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Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/282

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pas ainsi qu’un philosophe, et seulement de temps à autre il faisait halte pendant à peu près une minute, puis il poursuivait lentement sa route.

Arrivé au pied d’un magnifique cocotier planté pour servir de signal la nuit aux embarcations qui sillonnent le fleuve, il s’arrêta, pivota deux fois sur lui-même, choisit sa place à l’ombre et s’y coucha. C’était une quiétude de monarque généreux qui ne craint pas qu’on vienne troubler son sommeil ; c’était le repos du juste.

Ce fut une commotion électrique ; il y avait à peine dix minutes que le lion était assoupi qu’il se dressa prompt comme la foudre, poussa un lugubre gémissement, gratta la terre de ses deux griffes de derrière, baissa la tête et s’élança d’un seul bond à une grande hauteur sur le tronc du cocotier. Là il tourna ses regards à droite et à gauche, retomba sur le sol et s’accroupit de nouveau, l’œil toujours fixé vers le même point de l’horizon.

— Un ennemi se présente, nous dit M. Ling, un ennemi formidable. Si j’en juge par l’attitude du lion, la lutte sera ardente, et bien des riches donneraient une fortune pour se trouver en ce moment auprès de nous.

— Pourquoi, répliquai-je, les riches de Calcutta ne se donnent-ils pas quelquefois ce plaisir que selon vous ils achèteraient fort cher ?

— Ah ! ah ! c’est que celui dont nous allons jouir est rare. Ce n’est pas contre des hommes que va combattre le lion, c’est contre une bête