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Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/284

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che était tortueuse, mais il s’approchait de son ennemi. Un certain frémissement se faisait sentir dans ses jarrets nerveux, et cependant il ne fuyait point. Eût-il été satisfait de voir le lion lui laisser le champ libre ? Je le pense, et c’est pour cela que j’admirais ce tigre royal prêt à se jeter dans une fournaise plutôt que de se laisser taxer de lâcheté.

Le lion n’avait point bougé, mais sa crinière hérissée disait assez ce qui se passait dans son âme ; de temps à autre un soubresaut de ses flancs amaigris indiquait un rugissement comprimé ; il ne voulait pas, lui, le roi des quadrupèdes, qu’une frayeur prématurée arrachât quelque chose à l’audace de celui qui venait à sa rencontre. Ses griffes et ses dents lui suffisaient, un combat à deux était arrêté. Pour le tigre, c’était peut-être un jour de gloire ; pour le lion, c’était, à coup sûr, un jour de fête.

D’un élan, ils peuvent se saisir, se mordre, se déchirer. D’un élan ils auront franchi les vingt pas qui les distancent. Ils se sont élancés, et ce choc terrible est pareil à celui de deux navires qui se heurtent au milieu d’un ouragan. Vous entendez crier les os sous les poignantes étreintes, vous voyez les lambeaux de chair fumer et tomber sur le sol profondément creusé. Nul cri, mais des glapissements ténébreux attestant la rage et non la douleur. Ils sont collés l’un à l’autre ainsi que deux solides béliers dont on veut essayer les forces à peu près égales, et l’immobilité des bêtes