Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/456

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porta violemment les mains à sa poitrine et s’affaissa sur un fauteuil en s’écriant :

— Oh ! mon Dieu ! comme je souffre !…

XLVI


Agenouillée à l’entre-bâillure de la porte, le cou tendu, toute vibrante d’anxiété, Mme Blanche épiait les effets du poison qu’elle avait versé.

Elle était si près de sa victime, qu’elle distinguait jusqu’au battement de ses tempes et que par instants il lui semblait sentir son haleine brûlante comme la flamme…

À la crise qui avait brisé Marie-Anne, une invincible prostration succédait. On l’eût crue morte, à la voir dans son fauteuil, sans le mouvement continuel de ses mâchoires, sans le râle profond et sourd qui déchirait sa gorge.

Mais bientôt un soubresaut la redressa toute frémissante, ses nerfs se crispèrent et on entendit ses dents grincer… De nouveau les nausées revinrent, puis elle fut prise de vomissements.

Et à chaque effort qu’elle faisait pour vomir, tout son corps était ébranlé et secoué des talons à la nuque, sa poitrine se soulevait à éclater, et de brusques secousses disloquaient ses épaules. Peu à peu une teinte terreuse, de même qu’une couche de bistre, s’étendait sur son visage, les marbrures de ses joues devenaient plus foncées, les yeux s’injectaient, et la sueur à grosses gouttes coulait de son front.

Ses douleurs devaient être intolérables… Elle gémissait faiblement, par moments, et d’autres fois elle poussait de véritables hurlements.