Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/551

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étant jeune fille, et qui l’avait toujours suivie partout.

— Là, se dit-il, est sans doute le mot de l’énigme.

Martial était à un de ces moments où l’homme obéit sans réflexions aux inspirations de la passion. Il voyait sur la cheminée un trousseau de clefs, il sauta dessus et se mit à essayer les clefs au coffret… La quatrième ouvrit. Il était plein de papiers…

Avec une rapidité fiévreuse, Martial avait déjà parcouru trente lettres insignifiantes, quand il tomba sur une facture ainsi conçue :

« Rercherches pourt l’enfant de Mme de S… Frais du 3e trimestre de l’an 18… »

Martial eut comme un éblouissement.

Un enfant !… Sa femme avait un enfant !

Il poursuivit néanmoins et il lut : « Entretien de deux agents à Sairmeuse… Voyage pour moi… Gratifications à divers…, etc., etc. » Le total s’élevait à 6,000 francs, le tout était signé : Chefteux.

Alors, avec une sorte de rage froide, Martial se mit à bouleverser le coffret, et successivement il trouva : un billet d’une écriture ignoble, où il était dit : « Deux mille francs ce soir, sinon j’apprends au duc l’histoire de la Borderie. » Puis trois autres factures de Chefteux ; puis une lettre de tante Médie, où elle parlait de prison et de remords. Enfin, tout au fond, était le certificat de mariage de Marie-Anne Lacheneur et de Maurice d’Escorval, délivré par le curé de Vigano, signé par le vieux médecin et par le caporal Bavois.

La vérité éclatait plus claire que le jour.

Plus assommé que s’il eût reçu un coup de barre de fer sur la tête, éperdu, glacé d’horreur ; Martial eut cependant assez d’énergie pour ranger tant bien que mal les lettres, et remettre le coffret en place.

Puis il regagna son appartement en chancelant, se tenant aux murs.

— C’est elle, murmura-t-il, qui a empoisonné Marie-Anne !