Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/552

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Il était confondu, abasourdi, de la profondeur, de la scélératesse de cette femme qui était la sienne, de sa criminelle audace, de son sang-froid, des perfections inouïes de sa dissimulation.

Cependant, si Martial discernait bien les choses en gros, beaucoup de détails échappaient à sa pénétration.

Il se jura que soit par la duchesse, en usant d’adresse, soit par la Chupin, il saurait tout par le menu.

Il ordonna donc à Otto de lui procurer un costume tel qu’en portaient les habitants de la Poivrière, non de fantaisie, mais réel, ayant servi. On ne savait pas ce qui pouvait arriver.

De ce moment, — c’était dans les premiers jours de février, — Mme Blanche ne fit plus un pas sans être épiée. Plus une lettre ne lui parvint qui n’eût été lue auparavant par son mari…

Et certes, elle était à mille lieues de soupçonner cet incessant espionnage.

Martial gardait la chambre ; il s’était dit malade. Se trouver en face de sa femme eût se taire et été au-dessus de ses forces. Il se souvenait trop du serment juré sur le cadavre de Marie-Anne…

Cependant, ni Otto, ni son maître, ne surprenaient rien…

C’est qu’il n’y avait rien. Polyte Chupin venait d’être arrêté sous l’inculpation de vol et cet accident retardait les projets de Lacheneur.

Enfin, il jugea que tout serait prêt le 20 février, un dimanche, le dimanche gras.

La veille, la veuve Chupin fut habilement endoctrinée, et écrivit à la duchesse d’avoir à se trouver à la Poivrière, le dimanche soir, à onze heures.

Ce même soir, Jean devait rencontrer ses complices dans un bal mal famé de la banlieue, le bal de l’Arc-en-Ciel, et leur distribuer leurs rôles, et leur donner leurs dernières instructions.