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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/100

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— Ah ! oui don Fernando… transformé par quelque enchantement en un mozo de mulas[1] qui pousse sa recua[2] comme s’il disputait le prix d’une course… C’est tout ce que je vois. Allons, il vient ici comme le prêtre. Mais qu’ont donc ces gens à galoper si étrangement ? On dirait qu’un vertige les pousse. »

Le bruit des portes de l’hacienda qui s’ouvraient et le tumulte qui montait de la cour jusqu’aux jeunes filles prouvaient que non-seulement le prêtre, mais encore le garçon muletier avec ses mules, contre tout usage, recevaient l’hospitalité de don Mariano Silva.

Le lecteur sait, ce qu’ignoraient les deux sœurs, tout le danger qui menaçait les voyageurs dans la plaine.

En même temps, un mouvement plus bruyant encore ne tarda pas à avoir lieu dans l’hacienda. Les escaliers retentissaient du bruit des pas des serviteurs qui allaient et venaient précipitamment, et que les deux sœurs entendirent bientôt résonner sur les terrasses au-dessus de leur chambre.

« Jésus, Maria ! qu’est ceci ? s’écria Marianita en faisant un signe de croix ; l’hacienda va-t-elle avoir un siège à soutenir ? Les brigands insurgés dans l’ouest vont-ils venir nous attaquer ?

— Pourquoi appeler brigands des hommes qui combattent pour être libres et dont des prêtres sont les chefs ? répartit Gertrudis de sa voix harmonieuse et calme.

— Pourquoi ? Parce que ce sont les ennemis des Espagnols, que le sang de nos veines est le leur, parce qu’enfin j’aime un Espagnol ! s’écria Marianita, à qui ce mot aimer avait rendu la fougue impétueuse de son sang créole.

— Tu crois l’aimer, Marianita, reprit doucement Gertrudis ; dans mes idées, l’amour présente des symptômes que je ne retrouve pas en toi.

  1. Garçon de mules.
  2. Troupeau de mules de charge.