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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/101

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— Et quand cela serait, qu’importe, s’il m’aime, lui ? Ne suis-je pas le bien qui va lui appartenir ? Dois-je penser autrement que lui ? » ajouta la jeune fille, obéissant à cette voix de dévouement passionné que les femmes de son pays prodiguent à qui les aime, et qui n’a plus de bornes quand elles aiment elles-mêmes.

Les vibrations subites et précipitées de la cloche de l’hacienda sonnant l’alarme firent tressaillir les deux sœurs et mirent fin à cette conversation, qui menaçait de jeter entre elles deux ces germes funestes de dissension que les guerres civiles engendrent et qui brisent les liens les plus étroits du sang et de l’amitié.

Comme Marianita se disposait à sortir pour s’enquérir de la cause de tout ce tumulte, la femme de chambre ouvrit la porte, et, sans attendre qu’on l’interrogeât :

« Ave Maria, señoritas ! s’écria-t-elle ; l’inondation arrive ; un vaquero vient d’annoncer que les eaux ne sont plus qu’à trois ou quatre lieues d’ici.

— L’inondation ! s’écrièrent les deux sœurs, Marianita en se signant de nouveau et Gertrudis en se levant précipitamment et en faisant de ses cheveux épars une torsade que sa main tremblante essayait vainement de fixer à sa tête, et dans laquelle les dents du peigne refusaient de mordre.

— Jésus, señorita, dit la femme de chambre en s’adressant à la dernière, on dirait que vous voulez vous élancer dans la plaine, au secours…

— Don Rafael ! ayez pitié de lui, mon Dieu ! s’écria Gertrudis éperdue.

— Don Fernando ! s’écria de son côté Marianita en frissonnant.

— La plaine ne va plus être qu’un vaste lac, cria la suivante ; malheur à ceux que l’inondation va surprendre ! Mais vous pouvez être tranquille, doña Marianita ; le vaquero qui apporte la fatale nouvelle est envoyé par don Fernando pour annoncer à notre maître,