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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/118

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geste de l’étudiant aussi peu intelligible que son cri.

« Doucement, pour l’amour de Dieu ! s’écria Clara, que la peur rendait plus prudent que Costal : les tigres se sont peut-être réfugiés sur ces tamariniers !

— Raison de plus pour y aller voir. Devons-nous laisser ce jeune homme se morfondre dans ce hamac jusqu’à ce que les eaux se soient écoulées ! »

En disant ces mots, Costal reprit ses avirons et poussa vers l’étudiant, tandis que Clara répétait d’un ton lamentable :

« Si ce sont nos tigres d’hier, comme je crois les reconnaître aux miaulements des petits, songez combien ces animaux doivent être aigris contre nous.

— Croyez-vous donc que je ne le sois pas contre eux, moi ? » reprit Costal en continuant à ramer.

Quelques coups d’aviron le mirent à une distance suffisante de l’étudiant pour qu’il pût se rendre compte de la position critique dans laquelle il se trouvait.

Il était environ sept heures du matin, et le malheureux théologien avait compté plus de huit mortelles heures dans ce hamac, où il paraissait indolemment couché comme un satrape sous ce dais de tigres et de serpents à sonnettes.

À travers les mailles du réseau, l’étudiant suivait d’un œil terne les manœuvres de l’Indien. Il le vit montrer du doigt à son compagnon l’étrange tableau qu’offraient les tamariniers. Puis, tandis que le noir le contemplait d’un regard justement effrayé, don Cornelio entendit l’Indien, incapable de modérer les élans de sa gaieté, se livrer à d’intempestifs éclats de rire.

L’étudiant ne songeait guère pourtant à s’en formaliser, quoiqu’il ne vît pas précisément qu’il y eût si ample matière à rire de sa position et de l’effrayante étude de tigres à laquelle il se livrait si involontairement depuis le point du jour.