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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/119

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« Si nous nous écartions pour tenir conseil ? balbutia le nègre d’une voix mal affermie.

— Nous écarter pour tenir conseil ! s’écria l’Indien en reprenant enfin son sérieux ; il ne peut y avoir deux partis à prendre.

— C’est vrai, reprit Clara ; il n’y a qu’à pousser au large, ce ne sera que la besogne d’un moment. »

Alors l’Indien, avec autant de sang-froid qu’il en avait peu montré depuis quelques instants, déposa ses avirons au fond de la pirogue et prit sa carabine, dont il renouvela promptement l’amorce.

« Qu’allez-vous faire ? s’écria le nègre.

— En viser un, parbleu ! répondit Costal ; vous allez le voir. »

Et, reprenant ses avirons, il poussa droit au-dessous de l’un des deux jaguars.

« Tenez-vous tranquille, seigneur étudiant, » dit-il à Lantejas, toujours aussi immobile que muet et effrayé.

L’un des jaguars lança un rugissement dont résonnèrent les échos et qui fit vibrer de terreur tous les muscles de Clara ; puis, déchirant de ses griffes acérées l’écorce du tamarinier, la gueule béante et les lèvres retroussées au-dessus de ses crocs aigus, l’animal fixait ses yeux sur l’homme. Un regard terrible jaillissait de ses prunelles dilatées ; mais le chasseur parut ne pas subir la fascination de l’œil du tigre. Il l’ajusta tranquillement au défaut de l’épaule et fit feu. La bête féroce tomba lourdement dans l’eau, dont le courant l’entraîna. C’était le mâle.

« Vite, Clara, s’écria Costal, un coup d’aviron pour nous éloigner. »

En même temps il dégainait un poignard tranchant pour se mettre en défense.

Mais, quelque diligence que voulût faire Clara, dont la peur troublait les facultés, il n’était plus temps.

La femelle, furieuse de la mort de son compagnon et pleine de sollicitude pour ses petits, ne poussa qu’un