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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/120

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court et affreux rugissement, et, oubliant son effroi, elle s’élança d’un bond par-dessus la tête de l’étudiant et vint tomber comme la foudre sur le canot.

L’embarcation chavira. Le chasseur, le nègre et le jaguar disparurent un instant sous l’eau.

Au bout d’une seconde, tous trois reparurent à la surface, Clara éperdu de terreur et nageant avec toute l’énergie du désespoir. Heureusement pour le nègre, l’ancien pêcheur fendait l’eau comme un requin, et se mit en un clin d’œil entre le tigre et lui, son poignard aux dents.

Les deux ennemis se mesurèrent des yeux : l’homme, calme et résolu ; l’animal, rugissant de fureur.

Tout à coup le chasseur plongea, et le tigre, étonné de la disparition de son ennemi, nageait dans la direction de l’arbre sur lequel il avait laissé ses petits, quand on le vit se débattre comme si quelque tourbillon l’eût attiré, s’enfoncer à moitié, puis reparaître flottant sans vie, le ventre ouvert, tandis qu’une teinte de sang se mêlait autour de son cadavre à la couleur fangeuse des eaux.

Le chasseur reparut à son tour, jeta un regard autour de lui et nagea vers son canot que le courant avait déjà entraîné ; il le rejoignit, et quelques minutes après il était remonté dans sa barque, remise à flot, et se dirigeait vers l’étudiant. Lantejas n’était pas encore revenu de la surprise et de l’admiration que lui avaient causées l’audace et le sang-froid de cet inconnu, quand, du même couteau avec lequel il avait éventré le tigre, l’Indien ouvrit le fond du hamac pour livrer à l’étudiant plus facilement accès dans son canot.

« Et les peaux des jaguars que vous laissez échapper ! cria Clara. Voilà vingt piastres au moins qui s’en vont à vau-l’eau !

— Eh bien ! courez après, répondit l’Indien en retirant Lantejas, plus mort que vif, du fond de son réseau de cordes.