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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/126

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osé espérer que la jeune fille l’avait suffisamment comprise et que peut-être elle en accueillerait l’aveu sans colère. Il ne s’était pas ouvert davantage à son père, ne croyant devoir le faire qu’avec l’agrément de doña Gertrudis.

Peu à peu, quand il s’en trouva éloigné, le souvenir des indices favorables qu’il avait cru remarquer chez elle s’affaiblit à mesure que s’augmentait celui de sa beauté, dont l’impression lui arrivait parée des couleurs séduisantes du prisme de l’éloignement, et il se prit à trembler d’avoir été trop présomptueux. Bientôt il passa d’un doute cruel à une certitude plus cruelle encore : celle de n’être pas aimé. Don Rafael voulut chasser le souvenir de Gertrudis, en se disant qu’il ne l’avait jamais aimée non plus. Ce fut alors qu’il s’aperçut de l’empire sans bornes que la jeune fille exerçait sur lui, en tombant loin d’elle dans une mélancolie profonde.

Ce fut dans ces dispositions d’esprit que le premier cri de l’indépendance mexicaine, poussé par Hidalgo, vint surprendre le jeune officier. Imbu des idées libérales que son père lui avait transmises, et les portant à un degré plus élevé ; connaissant, d’autre part, l’ardeur passionnée avec laquelle don Mariano Silva et sa fille accueillaient l’espoir de l’émancipation même la plus lointaine, et bien sûr de l’approbation de tous trois, il résolut, dans son noir chagrin, d’aller hardiment se jeter sous la bannière de l’insurrection, et, à la première rencontre qui aurait lieu entre les troupes royales et les indépendants, de se faire casser la tête et de se débarrasser ainsi d’une existence qui lui était à charge.

Heureusement pour lui, le messager envoyé par son père vint surprendre don Rafael au moment où il allait employer ce moyen très-détourné d’arriver à la possession de celle qu’il aimait si tendrement. Pour le dire en passant, ce message enjoignait tout simplement à l’officier de venir trouver son père, pour apprendre de lui