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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/137

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— J’essayerai, » répliqua don Rafael en levant les yeux vers le sommet des arbres, comme pour y étudier les mœurs domestiques des ramiers qui continuaient à voler au-dessus d’eux.

Gertrudis commença, d’une voix timide et tremblante à son tour :

« Un jour, dit-elle, il y a longtemps de cela, une jeune fille fit un vœu à la Vierge, pour sauver d’un péril pressant un homme dont elle avait quelques raisons de se croire aimée. À votre avis, cet homme était-il bien aimé ?

— C’est selon la nature du vœu, répondit l’officier.

— Vous allez le voir. Cette jeune fille promit à la sainte Vierge que, si l’homme qui l’aimait échappait à ce pressant danger, elle ferait couper par lui, sur sa tête… oh ! si vous me regardez ainsi, je ne pourrai plus continuer ; elle ferait couper par lui, sur sa tête, la longue chevelure que son amant aimait passionnément ; cet homme était-il bien aimé, don Rafael ?

— Oh ! qui ne serait heureux de l’être ainsi ? s’écria don Rafael avec ardeur et en laissant tomber sur Gertrudis un regard qui la troubla jusqu’au fond de l’âme.

— Je n’ai pas fini, dit-elle en tremblant ; regardez encore là-haut, ou vous n’entendrez pas la fin de mon histoire, et peut-être en seriez-vous contrarié. Quand la jeune fille, qui n’avait pas hésité à sacrifier pour cet homme cette chevelure, l’objet de ses soins constants, ces longues tresses qui entouraient sa tête comme un diadème de reine, et qui… peut-être l’embellissaient seules à ses yeux ; quand cette pauvre fille les aura… les a eu coupées, veux-je dire, croyez-vous que son… amant, regardez-moi maintenant, don Rafael, je vous le permets… croyez-vous qu’il l’aimera toujours ? »

Don Rafael se retourna impétueusement, non pas qu’il entrevît encore la vérité, mais l’accent de mélancolie et de gaieté de Gertrudis l’avait profondément ému.