Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une larme de tendresse, une larme d’envie pour le sort de cet inconnu si tendrement aimé, brillait dans ses yeux quand il répondit :

« Oh ! Gertrudis ! il n’est pas d’amour qui payerait un tel sacrifice, et, quelque belle qu’elle fût, cette jeune fille est aujourd’hui plus belle qu’un archange aux yeux de son amant. »

Gertrudis appuya sa main sur son cœur, pour y contenir le flot de joie qui l’envahissait.

« Bien ! dit-elle d’une voix défaillante ; j’ai besoin que… pour la dernière fois, vous leviez encore les yeux au ciel : nous avons à le remercier. »

Pendant que don Rafael obéissait, Gertrudis laissa tomber son voile sur ses épaules ; ses doigts firent échapper du peigne la couronne que formaient ses deux longues tresses, orgueil de sa beauté. Elle prit sur sa table les ciseaux dont elle venait de se servir, puis, cachant dans l’une de ses mains la rougeur enflammée de ses joues, tandis que l’autre élevait l’instrument fatal qui devait accomplir le sacrifice :

« Rafael ! dit-elle d’une voix qui retentit comme la voix d’un ange à l’oreille de son amant, veuillez accomplir mon vœu, en coupant ces deux tresses sur ma tête !

— Moi ! s’écria-t-il éperdu à l’aspect de la main charmante qui lui tendait les ciseaux pour trancher cette chevelure, dont les tresses se repliaient sur le sol en noirs anneaux ! moi !

— Je les ai promises à la sainte Vierge pour vous sauver hier soir, reprit la jeune fille toujours inclinée ; comprenez-vous maintenant, Rafael, mon bien-aimé Rafael ?

— Oh ! Gertrudis ! vous auriez dû, par pitié, me préparer plus doucement à tant de bonheur ! s’écria don Rafael avec une émotion presque douloureuse, plus éloquente que toutes les protestations d’amour qu’il eût pu faire. N’importe je suis bien heureux ! » ajouta-t-il pour rassurer la jeune fille effrayée.