Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et, s’agenouillant devant elle, il prit une main qu’on ne lui refusait plus et qui voulut bien faire la moitié du chemin pour s’appuyer en frémissant sur sa bouche.

« Est-ce ma faute, à moi, reprit Gertrudis en laissant don Rafael rougir le satin de sa main sous la pression de ses lèvres, si les hommes ne savent jamais comprendre à demi-mot ! Depuis un gros quart d’heure, je suis là, toute honteuse de ne pas me voir devinée, à chercher à vous préparer à ce que vous appelez vôtre bonheur… Puis, quittant ce ton d’enjouement : J’ai fait un vœu, Rafael, et c’est à vous de l’accomplir.

— Pourquoi ce vœu ? s’écria l’officier.

— Je ne savais rien de plus précieux, à mes yeux, à offrir en échange de votre vie, répliqua Gertrudis avec une adorable naïveté ; la mienne, peut-être ! Je n’en ai pas eu le courage ; j’y tenais trop depuis que je savais que vous m’aimiez. Prenez ces ciseaux, Rafael.

— Mais je n’en viendrai jamais à bout avec ce frêle instrument, reprit Très-Villas pour gagner du temps.

— Allons, Rafael ! Devez-vous vous plaindre que la besogne dure trop longtemps ? dit Gertrudis en inclinant vers l’officier, toujours à genoux devant elle, sa tête charmante qui effleura la sienne. Prenez ces ciseaux, vous dis-je. »

Don Rafael les prit d’une main tremblante comme le bûcheron qui parfois, la cognée levée pour frapper, s’attendrit sur le sort du roi des forêts, qu’il est chargé d’abattre. Gertrudis voulut sourire pour l’encourager ; mais, au moment de voir tomber sous le tranchant de l’acier cette opulente chevelure si amoureusement lissée chaque matin, et dont les gerbes éparses pouvaient la couvrir comme un voile, la pauvre enfant ne put empêcher une larme d’accompagner son pâle sourire.

« Un instant encore ! dit-elle, tandis que ses joues se coloraient de nouveau du rouge le plus vifs de la grenade mûre. Mon Rafael, j’avais longtemps rêvé, comme