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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/263

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chée ouverte par les assiégeants, prêtaient mélancoliquement l’oreille à ces pieux cantiques, qui seuls troublaient le profond silence des ténèbres.

En face du factionnaire le plus rapproché de la ville, quelques cadavres mexicains, que leurs frères n’avaient pu emporter ; gisaient à peu de distance.

La nuit ajoutait encore à l’horreur de ce lugubre spectacle.

Tous avaient été plus ou moins mutilés, nous l’avons dit, par des ennemis qui se vengeaient souvent sur les morts de leur impuissance contre les vivants.

Le soldat allait et venait dans un espace restreint, tournant alternativement le dos aux corps étendus sous ses yeux, et les comptant comme un homme désœuvré, tout en conservant entre eux et lui un espace raisonnable.

Puis, cherchant à se procurer une distraction un peu moins triste, la sentinelle essayait de distinguer les paroles qu’on chantait non loin d’elle.

La voix lointaine disait :

« Il en tombera mille à votre droite et dix mille à votre gauche, mais le mal n’approchera point de vous. »

« Ah, diable ! serait-ce du latin ? se dit la sentinelle. Ce doit être quelque prière pour les morts. »

Tout à coup il lui sembla qu’en parlant de morts le nombre s’en était augmenté sous ses yeux.

« Je me serai trompé, » continua l’Espagnol dans son monologue.

Il compta de nouveau ses cadavres ; cette fois il se rappela bien qu’il y en avait dix.

Puis il continua à écouter le cantique et ce verset :

« Vous marcherez sur l’aspic et le basilic, et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon. »

« Ah ! ils parlent de dragon, des dragons de la reine, peut-être ? »