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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/28

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Savez-vous chez qui ? ajouta le guerillero en s’adressant à moi.

— Chez don Lucas Alacuesto, répondis-je au hasard.

— Précisément, autrement chez don Cornelio Lantejas, qui a changé de nom en changeant de condition, ce qui fait que, sans un hasard auquel vous n’êtes pas étranger, je ne l’aurais pas rencontré d’ici au jour du jugement, ce diable de chanoine ne sortant jamais. Qui m’eût dit qu’un ancien soldat de l’indépendance eût pu changer ainsi ? Au fait, nous avons eu tant de curés qui sont devenus généraux, qu’il est tout naturel de voir un capitaine d’insurgés se faire curé par compensation. »

Comme complément prochain à ces premiers renseignements, don Ruperto m’annonça que nous étions tous deux invités à dîner le jour même chez son ami le chanoine, qui mettait obligeamment à ma disposition sa table et ses souvenirs.

J’acceptai avec empressement l’offre gracieuse qui m’était faite et, trois heures venues, je me dirigeai, sous la conduite du capitaine, vers la maison du seigneur don Lucas Alacuesto. Elle était située à l’extrémité de la ville et contiguë à un vaste jardin ; le tout était enclos de hautes et longues haies de cactus cierges (organos).

Je supprime tous les détails inutiles pour ne parler que de l’hôte que je trouvai. C’était un petit homme de cinquante ans environ, alerte, affable à l’extrême, fort peu occupé des intérêts du chapitre dont il était membre, et se livrant en revanche avec ardeur aux soins du jardinage et à la recherche des insectes pour enrichir sa collection ; rien ne rappelait chez lui, comme chez le guerillero Castaños, l’ancien insurgé qui avait pris une part glorieuse à une longue guerre d’extermination.

Je passerai également sur le dîner pour arriver tout de suite au moment où, vers cinq heures du soir, le chanoine, don Ruperto et moi, nous fûmes nous asseoir