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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/322

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casion de gagner cinq cents piastres. Je te laisse, en bon camarade, la chance tout entière de prendre ce colonel de Satan, qui vous jette à terre un cavalier comme il ferait d’un chevreau de six semaines, ou, du moins, d’obtenir de lui une attestation bien authentique. »

À ces mots, le bandit s’étendit sur l’herbe.

« Il y a deux nuits que je n’ai dormi, ajouta-t-il ; je tombe de sommeil, et quand tu auras pris le colonel, tu viendras m’éveiller ; n’y manque pas surtout, sans quoi je dors jusqu’au jour.

— Poltron ! répondit Suarez, je vais aller gagner la somme tout seul. »

Suarez n’avait pas encore disparu que son camarade ronflait déjà.

Ainsi, sur dix hommes, trois avaient renoncé à poursuivre don Rafael, tandis que le dialogue suivant s’entamait sur un autre point, entre deux autres :

« Demonio ! que voilà une lune ridicule avec sa clarté ! disait le premier en maugréant, tout au rebours de Pépé Lobos, qui trouvait cette clarté si propice pour jouer aux cartes. Ce damné colonel n’aurait qu’à nous apercevoir !

— Le fait est, répondit le second, que ce serait fâcheux, car il s’enfuirait à notre approche.

— Hum ! je n’en sais trop rien ; il n’a pas l’air d’aimer à fuir.

Avez-vous vu avec quelle force il a enlevé de sa selle Panchito Jolas ?

— J’ai fait quelques chutes de cheval et je ne m’en porte pas plus mal, et je frémis en pensant à celle du pauvre Jolas… Ave Maria ! N’avez-vous rien entendu ? »

Les deux bandits prêtèrent l’oreille, beaucoup plus effrayés que don Rafael, qui continuait de dormir sur son arbre.

Ce n’était toutefois qu’une fausse alerte ; mais les deux compagnons venaient de trahir si naïvement la terreur