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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/38

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rent ainsi le loisir de continuer leur conversation commencée.

« À courtoisie, courtoisie et demie, reprit le nouvel arrivant ; vous avez bien voulu me dire que vous veniez de Valladolid, je vous dirai à mon tour que je viens de Mexico, et que mon nom est don Raphaël Tres Villas, capitaine aux dragons de la reine.

— Et le mien, Cornelio Lantejas, étudiant de l’université de Valladolid.

— Eh bien ! seigneur don Cornelio, pourriez-vous me donner le mot d’une énigme que je n’ai pu demander à personne, faute d’avoir depuis deux jours rencontré âme qui vive dans : ce maudit pays ? Comment expliquez-vous cette solitude complète, ces villages sans habitants et ces canots suspendus aux branches des arbres, dans une contrée où l’on peut faire dix lieues sans trouver une goutte d’eau.

— Je ne l’explique pas du tout, seigneur don Raphaël, et je me contente d’avoir horriblement peur de cette inexplicable singularité, répondit gravement l’étudiant.

— Peur ! s’écria le dragon, et de quoi ?

— J’ai la mauvaise habitude d’être effrayé des dangers que je ne connais pas, encore plus, s’il est possible, que de ceux que je connais. Je crains que l’insurrection n’ait aussi gagné cette province, bien qu’on m’ait assuré qu’elle était tranquille, et que les habitants effrayés n’aient abandonné leurs demeures pour fuir quelque parti d’insurgés qui battent la campagne.

— De pauvres diables n’ont pas l’habitude de fuir les maraudeurs, reprit le capitaine ; puis les gens de la campagne n’ont pas à craindre ceux qui suivent la bannière de l’insurrection, et, en tous cas, ce n’est pas pour naviguer au milieu de ces plaines sablonneuses que ces canots et ces pirogues sont accrochés aux branches des arbres ; il y a donc une autre cause à la panique générale qui semble avoir soufflé un esprit de vertige dans ce