Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/39

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pays : j’avoue toutefois que je ne l’a devine pas. »

Les deux voyageurs continuèrent un instant leur route en silence, préoccupés l’un et l’autre du singulier mystère qui semblait les entourer et dont aucune explication ne s’offrait à leur esprit.

Le dragon reprit le premier la parole.

« Vous qui venez de Valladolid, seigneur don Cornelio, lui dit-il, pouvez-vous me donner quelque nouvelle plus récente que les miennes des progrès et de la marche d’Hidalgo et de son armée ?

— Aucune, reprit Lantejas. Vous oubliez que, grâce à la lenteur de mon cheval, il y a deux mois que je suis en route. À mon départ de Valladolid, on ne pensait pas plus à l’insurrection qu’au déluge, et je n’en sais que ce que m’ont appris les bruits publics, autant qu’on peut les divulguer toutefois sans crainte de la très-sainte inquisition ; maintenant, si nous devons en croire le mandement de Mgr l’évêque de Oajaca, l’insurrection ne doit pas trouver beaucoup de partisans.

— Et pourquoi cela ? dit le dragon avec une certaine hauteur, qui prouvait que, sans avoir fait connaître encore son opinion politique, la cause de l’émancipation du pays ne devait pas compter un ennemi dans sa personne.

— Pourquoi cela ? reprit naïvement l’étudiant, parce que Mgr Bergosa y Jordan les excommunie et affirme qu’avant qu’il soit peu, chaque insurgé sera reconnaissable aux cornes et aux pieds fourchus qui ne manqueront pas de lui pousser. »

Loin de sourire de la naïve crédulité du jeune étudiant, le capitaine secoua la tête d’un air mécontent, tandis que sa moustache noire se hérissa d’indignation.

« Oui, dit-il comme en se parlant à lui-même, c’est ainsi que nos prêtres savent combattre : par la calomnie et le mensonge et en pervertissant les esprits des créoles par le fanatisme et la superstition. » Puis il ajouta à