Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

don Rafael, bien loin de soupçonner qu’il refusât d’entendre celui qui lui apportait le bonheur ; je n’ai que trop perdu de temps quand les malheureux propriétaires de l’hacienda de San Carlos comptent les minutes avec angoisse. Je ne changerai même pas de costume ; qu’on mette à mon cheval la première selle venue, et en route !

— Sonnez le boute-selle ! » s’écria le lieutenant.

Les clairons retentirent de nouveau dans l’hacienda, et, pendant qu’on exécutait les ordres du colonel, celui-ci s’éloigna en prétextant qu’il voulait être seul un instant, et, gagnant le jardin, il se dirigea vers l’endroit où, deux ans plus tôt, il avait déposé le corps de son père.

L’âme encore agitée des révélations du serviteur de don Fernando, le colonel avait besoin d’un instant de prière et de recueillement, La mort de son père avait été pour lui un malheur doublement fatal ; avec le temps, la première amertume de sa douleur s’était apaisée ; mais ni les mois ni l’ardente activité de sa vie n’étaient parvenus à éteindre l’amour sans espoir qu’il portait partout avec lui. Gertrudis partageait encore cet amour, elle en mourait, lui avait-on dit, et, dans la joie douloureuse qu’il en ressentait, il allait oublier que son père n’était pas encore vengé, comme il l’avait juré ; l’un de ses meurtriers ne se trouvait séparé de lui que par une faible distance, et cependant il n’éprouvait qu’un désir insensé, irrésistible, celui de courir d’abord sur la route de Oajaca et de joindre Gertrudis pour lui dire que lui non plus ne pouvait vivre sans elle.

Voilà pourquoi don Rafael allait chercher sur la tombe de son père la force nécessaire pour ne pas trahir le serment qu’il avait prononcé sur sa tête.

Laissons-le un instant à l’accomplissement de ce pieux devoir.