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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/393

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Gaspar et son compère Juan el Zapote avaient été jetés sans cérémonie dans une chambre au fond de l’hacienda, enfermés à clef, et une sentinelle, le fusil à la main, se promenait devant leur porte pour les garder.

Il est probable que, malgré le dénoûment si triste et surtout si imprévu de leurs espérances, leur mélancolie se fût évanouie, s’ils avaient pu mutuellement se contempler et voir l’étonnement candide empreint sur chacune de leurs figures ; mais l’obscurité profonde dans laquelle ils se trouvaient plongés leur ôtait cette dernière consolation.

Aussi tous deux gardèrent-ils longtemps un sombre silence ; plus philosophe que son compère, ce fut le Zapote qui le rompit le premier.

« Compadre du diable ! s’écria-t-il à la fin, es-tu convaincu maintenant qu’il en cuit autant de trop parler que de trop se gratter ?

— Est-ce ma faute, à moi, répondit Gaspar exaspéré, si ta physionomie… militaire, comme tu l’appelles, a produit son effet habituel ? Je t’avais bien dit de tâcher de la laisser à la porte de l’hacienda.

— Ne pouvais-tu éviter de te lancer dans des histoires sans fin, qui ont donné l’éveil à ce damné Catalan ?

— Ta figure y est bien pour quelque chose, de par tous les diables !

— J’ai l’air militaire, je ne le dissimule pas, et ta sottise a fait le reste. Tu as vu le colonel et tu l’as reconnu sans le connaître. Qu’avais-tu besoin de ce fatras ? ne pouvais-tu conter autrement la chose et dire tout simplement que le colonel courait le plus grand danger, que nous avions tué je ne sais combien d’hommes pour l’y soustraire, et qu’enfin il nous envoyait chercher du secours au plus vite ? On nous aurait fêtés, régalés, et ta niaiserie est cause que nous sommes à jeun depuis vingt-quatre heures, enfermés sans lumière, et que, si le colonel est mort, je perds non-seulement la récom-