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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/448

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La femme d’Arroyo, que la jalousie rendait clairvoyante, ne s’était pas méprise sur les coupables intentions de son mari à l’égard de doña Marianita.

Pensant que don Fernando, une fois libre, pourrait peut-être trouver quelque moyen de soustraire sa jeune femme à la convoitise du bandit, la virago s’était empressée de lui rendre la liberté ainsi qu’à quelques-uns de ses serviteurs. Elle avait gardé les autres otages. Elle espérait en outre, par ce qu’elle regardait comme un acte de clémence, désarmer le courroux du vainqueur.

Une litière à bras, dans laquelle avait été déposé don Fernando, avait servi à le transporter hors de l’hacienda. Les Indiens qui le précédaient avaient suivi, à l’aide de leurs torches, les traces laissées par la jeune femme dans sa fuite, et ces traces, ainsi que les deux objets qu’ils avaient trouvés, les avaient tout naturellement conduits jusqu’au lac. C’est là que le dernier soupir de don Fernando devait presque se confondre avec celui de la pauvre Marianita, qui ne l’avait précédé que de quelques instants. Ne pleurons pas ceux que la mort réunit ; ne pleurons que ceux qu’elle sépare !

« C’est une brave femme, avait dit le lieutenant catalan en apprenant la délivrance du jeune Espagnol ; aussi la pendrai-je par la tête… ne fût-ce que par décence. »

Ajoutons, pour finir toute explication, que le lendemain au point du jour, le Catalan s’empara de vive force de l’hacienda, et que, à l’exception de la virago, qui fut pendue par le cou, il fit pendre tous les bandits par les pieds, les morts comme les vivants. Le brave et implacable lieutenant avait juré d’utiliser toute sa provision de cordes, et il tint religieusement son serment.

Dieu, sans doute, avait voulu préparer l’âme du père et la fortifier contre le malheur qui allait le frapper dans une de ses filles, en le rendant d’abord témoin du bonheur ineffable de celle qu’il lui conservait pour être son ange de consolation.