Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La journée est achevée, les scènes nocturnes commencent, et les léperos deviennent pour quelques heures les maîtres de la ville.

Le lépero est un des types les plus bizarres de la société mexicaine. L’observateur qui a pu voir Mexico non-seulement livrée à cette agitation joyeuse qui précède l’oracion, mais plongée dans le silence sinistre que la nuit ramène, peut seul dire ce qu’il y a de redoutable et de singulier dans le caractère de ce lazzarone mexicain. À la fois brave et poltron, calme et violent, fanatique et incrédule, ne croyant en Dieu que tout juste pour avoir du diable une terreur salutaire, joueur éternel, querelleur par caractère, d’une sobriété qui n’a d’égale que l’intempérance à laquelle il se livre parfois, le lépero sait accommoder sa paresse comme son humeur à toutes les fortunes. Tour à tour portefaix, maçon, conducteur de chevaux, paveur de rues, commerçant, le lépero est tout. Toutefois voleur par instinct, c’est là sa profession favorite qu’il exerce partout, aux églises, aux processions, aux spectacles aussi sa vie n’est-elle qu’un long démêlé avec la justice, qui n’est pas elle-même à l’abri de ses larcins. Prodigue quand il possède quelques piastres, le lépero n’est pas moins résigné, ni moins courageux dans le besoin. A-t-il gagné le matin de quoi subvenir à peu près à la dépense de