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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/9

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au milieu duquel le peuple de Mexico, le peuple souverain (c’est ainsi que ses flatteurs l’appellent), s’agite sous ses haillons, sans cesse en quête d’un nouveau maître à qui il puisse sacrifier le maître de la veille ; très-insouciant d’ailleurs en fait de principes politiques, et prenant le désordre pour la liberté, sans se douter que les atteintes multipliées de l’anarchie pourraient bien un jour abattre le corps vermoulu de cette étrange république.

Chaque soir cependant, aux premiers tintements de l’Angelus, tout bruit cesse comme par enchantement sur la plaza Mayor. La foule frémissante s’arrête et se tait. Puis, quand les dernières vibrations des cloches ont expiré dans l’air, le mouvement renaît. La cohue s’écoule en tous sens, les voitures s’ébranlent, les cavaliers galopent, les piétons s’écartent, mais pas toujours assez promptement pour se dérober à l’épée ou au lazo de hardis voleurs qui assassinent ou dévalisent ceux qu’ils choisissent pour victimes et dont l’audace est telle que c’est quelquefois en plein jour et à la face de tous qu’ils commettent ces crimes. La nuit venue, la place est déserte ; quelques rares promeneurs parcourent au clair de lune le trottoir qui borde le parvis ; d’autres restent assis ou se balancent nonchalamment sur les chaînes de fer qui rattachent entre elles les bornes de granit du sagrario.