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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/109

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« Fray Epigmenio, reprit Serapio, sans faire attention à ma remarque, se crut un saint, puisque des tentations pareilles venaient l’assaillir ; il crut pouvoir lutter contre le démon, comme les ermites des anciennes légendes. Un jour, à l’heure où le soleil allait se coucher, il ne se contenta pas d’attendre le tentateur dans sa cellule, il voulut le braver dans cette forêt même, peuplée de si étranges fantômes. Il y avait déjà quelque temps qu’il errait sous la voûte épaisse des sapins, lorsque des sanglots étouffés retentirent non loin de lui. Il s’arrêta pour prêter l’oreille, puis s’avança du côté d’où ces gémissements semblaient venir. Pendant longtemps ses recherches furent inutiles ; enfin il arriva, de détour en détour, à un carrefour du bois au milieu duquel gisait, sur le gazon, un homme qui l’invita de la main à s’approcher de lui. Fray Epigmenio hésita un moment. L’inconnu était un homme de haute taille, vêtu d’un riche costume de velours noir ; une pâleur mortelle était répandue sur sa physionomie, et il serrait contre sa poitrine un mouchoir ensanglanté. Enfin, après s’être signé dévotement, Fray Epigmenio se décida à s’approcher du blessé. « Au nom de Dieu, lui demande-t-il, de quelle mauvaise rencontre êtes-vous victime ? » Le saint nom de Dieu parut causer à l’étranger une émotion pénible ; d’une voix éteinte il apprit à