Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sie de préférence à celles dont les croisées donnaient sur le jardin. La vue des fleurs semblait à ce rigide cénobite une distraction trop mondaine. Des flots de verdure noire constamment agités par le vent et encadrés dans un amphithéâtre de rochers aux formes fantastiques, voilà le paysage sur lequel Epigmenio avait presque sans cesse les yeux fixés. Je vous l’ai dit, la tête la plus saine n’aurait pu résister longtemps à ces influences combinées de la solitude et de la prière. Le moine avoua plus tard que des visions étranges passaient devant ses yeux pendant ces longues journées de contemplation et de silence. Des voix mystérieuses frappaient ses oreilles, et ce n’était pas toujours les concerts des anges qu’il entendait : les murmures de la forêt se transformaient en soupirs voluptueux, en voix féminines, qui montaient jusqu’à lui avec l’âcre senteur des sapins ; souvent même des figures tentatrices lui apparaissaient sous les feuillages éclairés par la lune… »

À ce moment, le franciscain s’interrompit brusquement, et, se tournant vers moi : — M’écoutez-vous ? me dit-il.

— J’avoue, répondis-je, que j’écoute plus attentivement encore l’eau dont le bruit augmente singulièrement sous nos pieds, et je trouve que nous sommes fort à plaindre de n’avoir pas ici un de ces beaux clairs de lune dont vous parlez.