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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/120

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deux coupables où le public n’en voyait qu’un. Le moine attendit le jugement dans son cloître, la femme au fond d’un cachot. Quelques semaines d’une pénible attente se passèrent. Un soir, la cellule de fray Epigmenio fut le théâtre d’une scène où l’intervention du diable ne se révèle pas moins clairement que dans la rencontre de la forêt. Courbé sur son crucifix, le moine redemandait à Dieu le calme que son âme avait perdu. Tout à coup un bruit de pas le fait tressaillir. Un homme était devant lui, le contemplait avec des yeux ardents, et cet homme n’était autre que l’étranger qui s’était montré au reclus une première fois dans la forêt, un mois auparavant. Il était vêtu de même, et plus pâle encore que la nuit où le moine l’avait trouvé baigné dans son sang. Fray Epigmenio fit un pas en arrière, mais l’étranger ne bougea pas. La formule d’exorcisme, péniblement balbutiée, ne le fit pas reculer davantage. Alors le moine appela au secours ; mais il était trop tard. Quand on entra dans la cellule, l’étranger avait disparu ; Epigmenio, frappé d’un coup de poignard, était évanoui au pied de son prie-dieu, et, sur le mur, on pouvait voir l’empreinte des doigts du meurtrier, qui s’était sans doute échappé en appuyant au lambris sa main sanglante. Cette empreinte, le temps ne l’a pas effacée ; vous pourrez la voir encore.