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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/13

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les faubourgs qui entourent Mexico d’une formidable ceinture. Dans celui surtout qui avoisine la place de Necatitlan, il est presque toujours dangereux de se hasarder avec un habit européen, et ce n’était jamais sans un certain malaise que je le traversais seul. Le capuchon du moine allait servir d’égide au froc parisien. J’acceptai avec empressement l’offre de fray Serapio, et nous partîmes. Pour la première fois je contemplai d’un œil tranquille ces rues sales sans trottoirs ni pavés, ces maisons noirâtres et lézardées, berceau et refuge des bandits qui infestent les chemins et pillent souvent même les habitations de la ville. Une multitude de léperos borgnes, couturés, cicatrisés par le couteau, buvaient, sifflaient, criaient dans les tavernes, drapés dans leurs draps de coton souillés ou dans leurs couvertures de laine à jour. Des femmes, à peine vêtues d’affreux haillons, se tenaient sur le seuil des maisons au milieu d’enfants nus qui se roulaient dans la fange en poussant des cris aigus. En traversant ces hideux repaires, effroi de la police, le juge criminel récite une oraison, l’alcade se signe, le recors et le régidor se font petits, l’honnête homme frissonne mais le moine y passe le front haut, le sourire aux lèvres, et le frôlement de sa sandale y est plus respecté que le bruit du sabre d’un celador ; souvent même, comme des tigres ap-