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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/153

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les types les plus étranges des vieux romans picaresques semblaient s’être donné rendez-vous. Un détail caractéristique me frappa : c’est que le banquier avait devant lui un couteau catalan, tranchant comme un rasoir. Un avertissement qu’il donna aux joueurs m’expliqua l’usage qu’il comptait faire de cette lame affilée. — J’avertis les gentilshommes ici présents, dit-il, que, si l’un d’eux affecte de confondre la banque avec son enjeu, je lui cloue sans merci la main sur la table. — Cette étrange menace ne parut étonner ni offenser personne, et j’en conclus que le cas prévu par le banquier avait se présenter plus d’une fois.

Malgré la bizarrerie des scènes auxquelles j’assistais, je commençais à trouver le temps un peu long, lorsque le licencié vint m’arracher à la contemplation du tapis vert, et me conduisit dans un coin retiré de la salle, vers une table à laquelle étaient fraternellement assis ses deux clients, le colosse américain et le Mexicain aux yeux louches. L’Américain achevait de vider une bouteille d’eau-de-vie de Catalogne, tandis que le Mexicain humait à petits coups une infusion glacée de tamarin.

– Tenez, me dit le licencié en me lançant un regard expressif, voici deux cavaliers qui lèveront vos scrupules de conscience au sujet des quatorze cents piastres que vous me devez, et qui vous affirmeront