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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/188

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seigneurie perd, il lui restera le cheval orange et la grâce de Dieu.

Je fus d’abord sur le point de rejeter hautement une proposition si extraordinaire ; mais bientôt l’idée me parut si extravagante, que j’acceptai d’emblée. Nous mîmes pied à terre. Selon un usage assez répandu au Mexique, Cecilio ne voyageait jamais sans être muni d’un jeu de cartes ; le maître et le valet s’assirent face à face sur le revers du chemin et à l’ombre d’un bouquet d’arbres. Love s’étendit, haletant, sur le sable, tandis que Storm, impatient du repos, creusait la terre de son sabot. À la vue du noble animal qui peut-être allait cesser de m’appartenir, je regrettai un instant ma témérité, mais il n’était plus temps. Cecilio me passa les cartes.

— Votre seigneurie me fera l’honneur de tailler, dit-il en redoublant de gravité cérémonieuse.

Je frémis en pensant à ma veine habituelle, et je pris le paquet de cartes d’une main mal assurée. Pour ne pas prolonger une position aussi bizarre, je fixai la partie à trois alburs[1]. Cinq minutes allaient donc trancher la question. J’amenai deux cartes. Cecilio en choisit une, je pris l’autre ; puis, après en avoir successivement retourné une demi--

  1. On nomme ainsi chaque partie du jeu appelé monte.