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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/212

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tué était mon parent : je fus désigné, selon l’usage, pour venger sa mort, dont, je l’avoue, je ne fus pas fort affligé, car il aimait ña Sacramenta, et ceux qui l’aiment sont mes ennemis ; j’acceptai néanmoins ce que m’imposait le point d’honneur. S’il n’eût fallut simplement que demander, l’épée à la main, compte du sang versé, je me serais hâté de m’acquitter de ce devoir, mais il fallait découvrir la trace soigneusement cachée du meurtrier et visiter pour cela tous les villages du littoral. Je compris alors que j’aimais Sacramenta plus que la vie, plus que l’honneur peut-être, et j’éloignais de jour en jour l’instant de me mettre en campagne. On peut connaître à des indices certains l’ouragan qui va rugir, on peut suivre pas à pas la piste invisible du jaguar, la trace d’un homme qui se cache ; mais nul ne peut lire dans le cœur d’une femme. Vingt fois j’ai cru être aimé de Sacramenta, et vingt fois ses dédains ont fait entrer le doute dans mon âme ; je n’osais donc pas m’éloigner sans savoir si elle se réjouirait de mon absence, ou si elle ferait des vœux pour mon retour. Aujourd’hui même encore l’incertitude me torture, et cependant un je ne sais quoi me dit d’espérer. Ce matin j’aurais pu partir, certain de voir mes vœux dédaignés ; ce soir, j’oserais presque me flatter d’un fol espoir.

– Une simple fleur qu’on porte sur le cœur