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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/213

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opère donc bien souvent des miracles ? interrompis-je.

— Quoi ! s’écria le Jarocho, auriez-vous le don de voir ce que nul n’a vu ?

— Je n’ai vu que ce que chacun a pu voir comme moi ; mais quand une femme donne à celui dont elle est aimée une fleur qu’elle a portée, elle sait que cette fleur doit dire à son amant d’espérer.

— Plaise à Dieu ! s’écria vivement le Jarocho ; pourtant, ajouta-t-il en soupirant, ce n’est pas le premier gage que j’aie ainsi reçu, et qui me dit que le lendemain ne viendra pas cette fois encore dissiper les illusions de la veille ? Depuis le jour où ña Sacramenta est venue s’établir à Manantial, il y a de cela un an, ma vie s’est écoulée ainsi dans des alternatives de joie et de tristesse ; cependant le mort n’est pas encore vengé. J’ai tâché de t’oublier ; malheureusement d’autres y pensaient pour moi. Le défunt avait une vieille mère qui chaque jour me rappelait de quelle besogne j’étais chargé. Il y a huit jours, je la rencontrai. Je voulus l’éviter, car elle passe pour être un peu sorcière, mais elle vint à moi et me dit : « Les morts ont plus de mémoire que les vivants ! » Je lui demandai ce qu’elle voulait dire, quoique je le susse bien. — Vous le saurez ce soir, me répondit-elle. Le soir, en effet, continua Calros d’une voix altérée, j’étais comme aujourd’hui, seigneur cavalier, sur le