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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/222

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der plus péniblement encore au milieu des plaisirs de ce jour.

— Quoi ! votre serment vous empêchera-t-il de boire, de chanter ou de jouer ?

— Non ; il m’empêchera de me battre, et qu’est-ce qu’un fandango sans quelque bonne petite querelle qui en relève la saveur ? Mais bah ! on ne peut pas avoir tous les plaisirs à la fois. Je chanterai plus fort, je jouerai davantage, et je boirai d’autant pour me calmer.

Je doutais fort de la vertu calmante des cartes et de l’eau-de-vie de Catalogne, mais j’affectai de croire pleinement à l’efficacité du remède, d’abord pour être agréable à mon hôte, ensuite pour le détourner de faire encore une fois, dans l’intérêt de sa vengeance, appel à ma bravoure.

Comme Calros, Manantial avait aussi pris un costume de fête. Un mouvement inusité régnait dans tout le village. Sur le seuil des cabanes apparaissaient de temps à autre des femmes qui étalaient coquettement, aux feux du soleil, parmi des flots de mousseline et de dentelles, l’or et le corail, si chers aux beautés basanées des pays méridionaux. Sur la clairière, on disposait une espèce d’estrade destinée aux danseuses ; on improvisait des boutiques d’eau fraîche, de jus d’ananas, d’eau-de-vie catalane ; on dressait des tables ; quelques heures encore, et les