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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/224

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monotone d’abord, la danse s’anima peu à peu. J’admirai l’agilité et la grâce avec lesquelles plusieurs de ces femmes portaient, en dansant, un verre plein d’eau sur la tête sans en répandre une goutte, ou détachaient, sans faire usage de leurs mains, les nœuds compliqués d’une ceinture de soie attachée autour de leurs pieds. Toutefois, bien que ces prouesses chorégraphiques excitassent de légitimes applaudissements, les passions des assistants semblaient encore sommeiller. Les rires, les reparties piquantes et les jurons avaient accompagné seuls jusqu’alors les libations d’eau-de-vie relevée d’écorces d’orange qui se faisaient à la ronde. Quand la première danse, assez froidement accueillie, fut terminée, la guitare préluda à un nouvel air : c’était la danse appelée pelenera.

Cette fois encore, l’estrade fut bientôt remplie, et, parmi les femmes qui s’avançaient, je reconnus, à sa gracieuse tournure, à sa provocante beauté, doña Sacramenta, celle que mon hôte appelait, dans son langage fleuri, son ange humain bien-aimé. Un jupon de mousseline transparente ceignait ses hanches. Ses bras arrondis et dorés plutôt que hâlés par le soleil sortaient des broderies et des dentelles de sa chemise de batiste. Une gorgerette, semblable à celle des Arlésiennes, couvrait, sans presque les cacher, les contours de ses épaules ; ses pieds