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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/236

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par la pointe dans le centre de cette circonférence.

Un silence profond accueillit cette étrange visite. Quant à moi, il me semblait assister, au milieu de ces mœurs chevaleresques, à quelque épisode d’un chant de l’Arioste. Cette épée enfoncée en terre était l’arrogant défi d’un seul homme à une population toute entière. L’antagoniste réclamé par le rival de Calros se présentait aussi à propos qu’il pouvait le désirer. Tout les yeux cherchèrent le rodomont mis en demeure cette fois de justifier sa fanfaronnade ; mais celui-ci, trouvant sans doute son nouvel adversaire trop redoutable, s’était éclipsé au moment où l’attention de tous les spectateurs était absorbée par cet incident imprévu. L’étranger, qui paraissait un de ces paladins dont un vœu enchaînait la langue, s’avança, aussi fièrement qu’il était arrivé, vers l’une des cantines, et, frappant rudement avec une piastre forte sur les planches qui tremblèrent sous la commotion, se fit servir par geste un large verre d’eau-de-vie, donna la piastre en échange, puis porta le verre à sa bouche ; mais, en homme qui dédaigne d’exciter son courage à l’aide de spiritueux, il ne fit que tremper ses lèvres dans la liqueur et jeta le contenu du verre par-dessus son épaule. Dans les idées reçues parmi les Jarochos, on ne pouvait faire plus magnifiquement les choses. Certain alors d’avoir fait son entrée dans les règles, le