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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/250

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cevais alors au loin derrière moi la ville que je me repentais d’avoir quittée. À des intervalles égaux, le phare de San-Juan-de-Ulua projetait la grande lumière de son feu tournant, tantôt sur Vera-Cruz noyée dans l’ombre, tantôt sur la rade toute blanche d’écume. Je distinguais alors pendant un moment les navires à l’ancre près de se briser les uns contre les autres, puis tout retombait dans les ténèbres. Le temps, comme on le voit, n’était guère favorable à une excursion nocturne. J’avançais néanmoins avec une résignation qui n’était pas sans mérite, et déjà j’approchais du bois à l’extrémité duquel s’élèvent les maisons de Boca-del-Rio, quand je crus distinguer un cavalier devant moi. Je me dirigeai aussitôt vers lui : enveloppé d’un large manteau bleu, il ressemblait de loin à un franciscain. Le fracas de la tempête amortissait tellement le bruit de mes pas, que je parvins presque à son côté sans qu’il s’en aperçut. Je vis alors que ce n’était pas un moine, mais un campagnard de la côte dont j’avais pris le manteau de laine pour un froc. La main sur les yeux, pour les garantir de la lueur éblouissante des éclairs, le cavalier promenait au loin des regards attentifs, comme s’il eût cherché à percer le voile sombre qui couvrait l’Océan ; mais l’immensité ne laissait voir que la crête blanche des lames qui se tordaient