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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/254

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navire on sembla le croire et interpréter le signal comme nous l’avions interprété nous-mêmes, car nous le vîmes, grossissant avec une effrayante rapidité, s’avancer vers le fanal, qui allait et venait sans cesse, mais toujours en ligne droite. Un foc au beaupré était l’unique voile que le bâtiment pût porter pour se diriger à l’aide du gouvernail. Un cas d’extrême détresse pouvait seule prescrire cette manœuvre. Parfois, quand le vent mollissait un instant, un temps d’arrêt avait lieu, mais une nouvelle rafale redonnait bientôt l’impulsion au navire. Enfin on le vit s’élever d’un bond subit, il se pencha sur la hanche gauche, puis sur la droite, s’élança de nouveau pour se coucher encore sur le flanc, et s’abattit une dernière fois sur sa membrure brisée. Un cri de détresse arriva jusqu’à nous au milieu du fracas du vent et de la mer ; au même instant, le fanal s’éteignit, semblable à ces feux follets qui dansent la nuit au-dessus des tourbières et disparaissent après avoir attiré les voyageurs dans un abîme. La perte de la goëlette était consommée. Il ne restait qu’à sauver l’équipage. Pendant qu’on délibérait sur le choix des moyens, un homme se montra sur la proue du bâtiment naufrage, et, à la lueur de la lanterne éclairant son visage, on distingua un personnage qui n’était plus pour moi un inconnu depuis son séjour à Manantial : je veux parler du pilote