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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/38

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Je vis clairement que le drôle m’avait joué une fois de plus, et que sa feinte agonie, comme sa confession, n’avait été pour lui qu’un excellent moyen de tirer de moi quelques piastres. J’avoue néanmoins que ma colère fut désarmée en ce moment par la dignité comique avec laquelle je le voyais se pavaner dans son manteau troué, tout en me tenant ces étranges discours. Je ne songeai qu’à me débarrasser d’une compagnie qui me devenait importune, et je me contentai de lui dire en souriant :

– Si je compte bien, les maladies de vos enfants, l’accouchement de votre femme, votre linceul, m’ont coûté à peu près une centaine de piastres ; vous faire remise du tout, ce sera, j’aime à le croire, payer assez généreusement le service que vous venez de me rendre. De ce pas donc je regagne mon domicile, et je vous renouvelle mes remerciements.

— Votre domicile, seigneur cavalier ! y pensez-vous s’écria Perico, mais, à l’heure qu’il est, votre maison doit être cernée par la force armée ; on vous cherche chez tous vos amis ; vous ne savez donc pas à quel alcade vous avez affaire ?

— Vous le connaissez donc ?

— Je connais tous les alcades, seigneur cavalier, et ce qui prouve combien je mérite peu le surnom qu’on me donne, c’est que tous les alcades ne me connaissent pas ; mais, de tous ses pareils, celui qui