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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/94

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Diego Mercado, c’était au son de ces mêmes instruments que les ancêtres de ces Indiens égorgeaient des victimes humaines au pied de leurs idoles.

Au détour d’une ruelle qui coupait à angle droit la route que nous suivions, nous vîmes déboucher la procession annoncée par cette funèbre harmonie. Occupés pendant le jour aux travaux des champs, les Indiens consacraient la nuit à certaines solennités religieuses. Le choix de l’heure venait ainsi ajouter encore à l’effet lugubre de leurs cérémonies. En tête du cortége, et portée par quatre hommes, se balançait l’image du Christ, image gigantesque, hideuse, et barbouillée de sang. Aux bras de la croix étaient suspendus deux autres christs de moindre taille ; derrière se pressait en désordre presque toute la population du village et des environs, portant des crucifix de toute forme et de toute grandeur. Je remarquai que les dimensions de plusieurs de ces crucifix n’étaient nullement en rapport avec la taille des individus qui les portaient ; ces dimensions en effet se mesuraient uniquement sur le droit plus ou moins élevé que payaient à l’église les Indiens figurant dans ces processions. Avec l’élite de la population, qui ouvrait la marche, s’avançait aussi l’aristocratie des images ensuite venaient les pauvres, et on ne saurait rien imaginer de plus grotesque, de plus tris-