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Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/214

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Les lettres que Julien écrivait de son sanatorium campinaire étaient lues avidement par ses trois amis. Elles étaient affectueuses et parfois enjouées, mais, chose singulière, elles parlaient peu ou pas de sa santé. Si bien qu’ils conçurent de l’inquiétude et qu’un matin, Mme Cécile et Charles décidèrent de partir pour le sanatorium.

L’hiver s’obstinait anormalement. Bien qu’on fût en avril, c’est à peine si quelques traces de germination vernale crevaient l’écorce durcie de la terre. Un froid sec, un froid de décembre, désolait la campagne, à faire croire qu’il fallait désespérer du printemps. Le lent déroulement du paysage glacé, du paysage de landes, de bruyères frissonnantes, de sapinières, mit au cœur de Mme Cécile et de Charles, dès qu’ils eurent dépassé Hasselt, comme morte sous le givre, une mélancolie pesante. Des plaques de neige s’attardaient au revers des talus ; des flaques d’eau d’un gris bleuté avaient, dans les prés poudrés de gelée blanche, des luisants de cassures de mica et le canal montrait la déchirure que le brise-glaces, fonctionnant encore, avait faite la veille dans sa robe frigide. Quelquefois, sur un chemin capricieux allant on ne sait où, vers des horizons déserts et muets, passaient des paysans isolés, le cou emmitoufflé dans des écharpes grasses, l’air plus pauvre dans cette nature grelottante.