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Page:Garnir - Le Commandant Gardedieu, 1930.djvu/123

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— Valentine, je n’ai jamais tué d’hippopotame ; Valentine, je n’ai jamais tué d’antilope… ni de gazelle… ni d’éléphant ; Valentine, ce n’est pas vrai que j’aie arraché à la mort une négresse qu’on allait jeter au bûcher… ; Valentine, je n’ai rien d’un guerrier africain : je suis un simple petit commandant des chasseurs-éclaireurs… un tout petit commandant qui veut se montrer à vous tel qu’il est et non tel qu’un autre l’a fait.

Tout me revenait à la fois et je rejetais les mensonges comme on rejette un fardeau. Je niais tout, au hasard, en paquet…

— Ce n’est pas vrai que j’aie pris des crocodiles à la nage, que j’aie porté sur mon dos mon cheval fatigué… ce n’est pas vrai que j’aie dîné chez le gouverneur à Boma ; je n’ai jamais été mangé par les antropophages, Valentine. Les forêts vierges, les marais pestilentiels, la mouche tsé-tsé, les danseuses noires, les redoutes arabes, eh bien, je vous estime trop pour ne pas vous le dire : tout cela, Valentine, c’est de la carabistouille !

Et alors seulement, conscient de la solennité de l’heure et prêtant le serment, je prononçai, après avoir avalé ma salive :

— Valentine, je vous le jure, je n’ai jamais été au Congo !