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Page:Garnir - Le Commandant Gardedieu, 1930.djvu/99

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souriante, quand mon bataillon défile sous mon commandement… l’entendre, rire, dès le matin, après la belle nuit passée dans mes bras… entrer dans la loge du théâtre derrière elle, pendant que tous les yeux convergent pour admirer sa toilette et sa beauté… trouver tous les midis, un bon déjeuner sur une belle nappe blanche, parmi les cristaux, avec un bouquet de deux sous qui trempe dans un verre… se dédoubler, en se doublant, auprès d’un être cher… n’avoir aucune pensée cachée, aucun secret, vivre en confiance, en confiance totale…

Hélas, je ne puis, moi, connaître cet amoureux et fraternel partage ! Jamais, je ne pourrai lui dire : « Lis en moi comme dans un livre ouvert ! » puisque le mensonge est installé en moi à perpétuité, puisque j’appréhende à toute heure du jour, qu’on découvre en moi l’imposture…

Songeant à la romance : « Ninon, Ninon, que fais-tu de la vie ? » je m’écrierais volontiers : « Tartarin ! Tartarin ! qu’as-tu fait de mon existence ? »

Jamais comme aujourd’hui je n’ai senti le prix de la sincérité. Cette enfant m’enveloppe, sans le savoir, du rayonnement de sa fraîcheur et de sa gaie jeunesse ; elle m’impressionne dans les petites choses de la vie courante ; elle me rend meilleur… Ne me suis-je pas reproché tout à l’heure