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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/194

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le son du tocsin qui signalait un incendie et appelait au secours, vint surprendre les habitants de Monkshaven au sein de leur bien-être domestique. Nulle erreur possible ; chacun savait bien de quoi il s’agissait et comprenait l’étroite obligation qu’imposait aux bourgeois et artisans de la petite communauté l’absence de tout corps constitué pour prêter aide et secours en de pareils désastres. Les hommes sautant sur leurs chapeaux, les femmes s’emmitouflant de leur mieux, — les premiers excités par le sentiment du danger, les secondes attirées par la curiosité, le besoin d’émotions vives qui caractérise leur sexe, — coururent en foule vers les halles, situées à la rencontre de High-street et de Bridge-street. C’était là qu’était le beffroi. — « Où est le feu ? » se demandaient, tout haletants, les passants au galop qui se rencontraient par les rues ; et, comme personne ne semblait pouvoir répondre exactement à cette question, chacun s’acheminait du côté de la cloche qui livrait au vent du nord-est ses appels de plus en plus précipités.

Les ternes réverbères des rues voisines projetaient à peine quelques lueurs indécises sur la Place du marché où la foule agglomérée faisait entendre des murmures qui grossissaient de minute en minute. Parmi les groupes réunis près de la Maison de ville, commençait à régner une terreur vague et sans motifs apparents. Au-dessus d’eux, la grosse cloche toujours en branle tintait et tintait de plus belle, mais devant eux la porte solidement verrouillée ne s’ouvrait pas, et personne ne se montrait au balcon pour leur dire où il fallait se rendre, ni quel danger réclamait leurs secours. Un mystère les enveloppait, plus glacial que le vent de la nuit. Mais bientôt, aux confins extérieurs de la foule, une clameur s’éleva qui allait préciser leurs craintes et leur donner un objet mieux défini. « La presse ! la presse ! s’écria quelqu’un d’une voix perçante… Ils tombent sur nous…