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XIII

LE CIMETIÈRE DE SCUTARI


Je ne sais pourquoi les cimetières turcs ne m’inspirent pas la même tristesse que les cimetières chrétiens. Une visite au Père-Lachaise me plonge dans une mélancolie funèbre pour plusieurs jours, et j’ai passé des heures entières au Champ-des-Morts de Péra et de Scutari sans éprouver d’autre sentiment qu’une vague et douce rêverie ; est-ce à la beauté du ciel, à l’éclat de la lumière, au charme romantique du site que se doit attribuer cette indifférence, ou bien aux préjugés de religion, agissant à votre insu et vous faisant mépriser des sépultures d’infidèles avec lesquels on n’a aucune solidarité dans l’autre monde ? C’est ce que je n’ai pu bien démêler, quoique j’y aie souvent réfléchi ; cela tient peut-être à des raisons purement plastiques.

Le catholicisme a entouré la mort d’une sombre poésie d’épouvante inconnue au paganisme et au mahométisme ; il a revêtu ses tombeaux de formes lugubres, cadavéreuses,