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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/210

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CONSTANTINOPLE.

personne bien élevée peut le faire quand un objet nouveau se présente à elle. La conversation, entre gens qui ne parlent pas la même langue et en sont réduits à la pantomime, ne saurait être bien variée : la Turque demanda à l’Européenne si elle avait eu des enfants, et lui fit comprendre qu’elle était elle-même privée à son grand regret de ce bonheur.

Quand l’heure du repas fut arrivée, l’on passa dans la chambre voisine, également entourée de divans, et l’on apporta le guéridon de cuivre poli chargé de mets à peu près semblables à ceux dont j’ai déjà donné la description, sauf que les plats de viande y étaient en moindre proportion et les sucreries plus nombreuses et plus variées. — Une esclave favorite de la khanoun prenait part au repas à côté de sa maîtresse.

C’était une belle fille de dix-sept ou dix-huit ans, robuste, vivace, superbement épanouie, mais de beaucoup inférieure, comme race, à l’ex-odalisque du sérail ; elle avait de grands yeux noirs surmontés de larges sourcils, une bouche pourprée, des joues rondes, un éclat de santé un peu rustique sur tout le visage, les bras blancs et charnus, la gorge forte et une opulence de contours que son costume dégagé permettait d’apprécier librement. Elle était coiffée d’un petit bonnet grec dont ses cheveux bruns s’échappaient en deux grosses tresses, et vêtue d’une veste de ce jaune-pistache que nos teinturiers ne peuvent attraper, d’un ton très-clair et très-doux. Cette veste, tailladée sur les côtés et par derrière, de façon à former des espèces de basques comme les par-dessus des Parisiennes, avait des manches courtes qui en laissaient échapper d’autres en gaze de soie, et accusait, en marquant la taille, une croupe qui ne devait rien aux mensonges de la crinoline ; de vastes pantalons bouffants en